Cela fait un moment que je n’ai pas ouvert mon carnet de voyage. Après avoir traversé l’Atlantique, nous nous sommes rapidement installés en Martinique et nous avons entamé une grande phase de travail. Les aventures se font alors plus rares. Ceci dit pour ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux, vous avez certainement suivi la péripétie “Beryl”.
Premier cyclone de la saison, Beryl est arrivé sans trop crier gare !
Les modèles météo ne l’avait pas vraiment vu venir. Les conditions climatiques lui étaient totalement défavorables. Ce qui n’était qu’une onde s’est pourtant rapidement transformée en dépression tropicale, puis en tempête, puis en cyclone. Tout cela en quelques 24h !
Généralement les cyclones se forment au large de l’Afrique et poursuivent une trajectoire qui les amènent vers le Nord. Dans le meilleur des cas, ils bifurquent avant de rencontrer une île et vont mourir dans le nord de l’Atlantique où l’eau est plus froide (l’eau chaude étant un des carburants d’un ouragan).
Généralement alors, et dans le doute qu’ils touchent une île, il est préférable quand on est en voilier de prendre ses clics et ses clacs et de partir dans les îles du Sud de l’Arc Antillais.
Alors quand Beryl a été annoncé, notre premier réflexe a été de se dire : “On part dans le Sud !” C’était sans compter sur le fait que Beryl n’a suivi (presque) aucune généralité, à fait tourner la tête des prévisionnistes et la nôtre avec !
Le cyclone était très au Sud au départ, alors que nous commencions à préparer le départ, les prévisionnistes lui prévoyaient une route vers le Nord. Parfait. Il se comportera certainement comme tous les autres et tout se passera bien ! Mais à chaque mise à jour et malgré les prévisions Beryl insistait pour continuer sa course vers les îles du Sud. Que fait-on ??
- Partir dans le Sud en espérant qu’il finisse par monter ?
- Rester où nous sommes (Martinique) ?
- Partir dans le Nord au cas où ce soit la Martinique qui soit touchée ?
Tout le monde était dans le brouillard ! Les prévisionnistes ne comprenaient pas bien ce système qui se renforçait d’heure en heure. Sa particularité : le cyclone était très petit, à peine 30km de diamètre (l’ouragan Maria en faisait environ 300 si ma mémoire est bonne). Sa frappe sera donc chirurgicale. Mais du fait de sa petitesse, les modèles météorologiques avait du mal à le comprendre.
Comme c’était notre premier cyclone, notre premier réflexe a été de demander autours de nous. Dans un premier temps personne ne semblait vraiment inquiété. Certains sont directement partis dans le Sud, d’autres n’ont pas bougé le petit doigt, d’autres encore sont partis dans le Nord, tant le cyclone était très au Sud.
Prendre une décision
Le stress est alors rapidement monté. QUE FAIT-ON ?? Il faut prendre une décision et il ne faut pas trainer à la prendre. Beryl avance et ne nous attend pas ! Il est resté trop longtemps au Sud à notre goût. Nous avons donc décidé de ne pas aller se mettre dans la gueule du loup. Conséquence : préparation intensive du bateau, le cyclone pourrait remonter et plus il tarde à le faire, plus la Martinique sera dans sa ligne de mire ! Plus rien ne doit traîner sur le pont du bateau, les voiles doivent être dégrées ou solidement attachées, les amarres doublées, la chaîne de mouillage reprise sur le corps-mort, l’éolienne bloquée et j’en passe !
Deux jours de préparations. Etrange moment que cet “avant-cyclone”. Pas de place pour la peur, mais un grand stress : être prêt avant que le cyclone arrive. Nous n’avions pas encore vraiment pris la mesure de ce risque, et nous étions un peu laissé bercer par la douceur de vivre antillaise et le rythme du quotidien. Le bateau n’était donc pas prêt. Belle leçon que nous retenons. Le bateau est aujourd’hui prêt en cas de nouvelle alerte.
Plus le cyclone s’approche, plus sa trajectoire l’emmène sur nous. Mais heureusement dans le même temps il perd en puissance et est progressivement rétrogradé. Le risque est amoindri. Cependant, même s’il n’y a pas de risque à priori, je préfère partir passer le week-end à terre ! On en profite donc pour passer du temps chez un ami. Le week-end est fort sympathique ! Merci Beryl !
Quelques heures avant l’impact, il rencontre ENFIN les conditions néfastes pour lui (vent de haute altitude et brume de sable). Il s’affaiblit et monte au Sud. Il ne sera finalement plus qu’une grosse onde tropicale sur la Guadeloupe. En Martinique RIEN, pas une goûte d’eau, pas un brin de vent !
Conclusion de cet épisode non-tempétueux :
La nature nous a rappelé à l’ordre : soyez prêt, c’est la saison cyclonique !
Nous avons eu droit à un exercice en situation réelle. Nous serons d’autant plus prêt la prochaine fois. Autant que nous pourrons l’être car nul ne peut faire face à ce genre de phénomène. Les modèles météorologiques ont beau être de plus en plus précis, les Etats-Unis ont beau envoyer des avions au coeur-même des cyclones pour les sonder, on ne peut pas prédire à 100% ce qu’il se passera.
Nous nous sommes rendus compte que vivre ici impliquait de devoir prendre des décisions et de les assumer.
Quelques sources :
Pour ceux qui pourraient être concernés et ceux que cela intéressent, voici nos principales sources météo :
Le National Huricane Center (Organisation américaine qui donne généralement le LA)
Wunderground (On peut sélectionner plusieurs couches > vent / température etc et permet une vision globale)
Dundee Sat (photos des satellites géostationnaires, il faut s’inscrire via mail)
Le Groupe Facebook Météo Tropicale. Gérer par Olivier Tisserant, passionné de météo. Il récupère toutes les données et les “traduit” en langage compréhensible. Une référence aux Antilles.
Bien sûr les sources météo habituelles : Windy (très bien mais ne prend pas vraiment en compte les effets de site et il est difficile de repérer les ondes tropicales quand on est profane comme moi !) et W4D ce dernier est payant et coûte 10€/an. Il est particulièrement intéressant car propose plusieurs modèles météo dont AROME, un des plus précis.
Tu connais d’autres sources météos intéressantes ? N’hésites pas à les mettre en commentaire !
Bonjour, C’est avec énormément de plaisir que je lis vos écrits. En même temps, j’ai de vos nouvelles et vous me faites rêver. La péripétie de Béryl m’a rappelé des souvenirs de notre jeunesse : nous avions un camping-car et à l’arrêt, nous étions toujours prêts à partir si, par hasard, il y avait un danger . En Yougoslavie, nous dormions face à la mer et la bora, un vent qui souffle de la terre vers la mer, s’est levée en pleine nuit et tout de suite très fort. Nous n’avons eu que le temps de démarrer et de mettre notre véhicule à l’abri du vent car tout ce qui était à côté de nous s’est retrouvé dans la mer. Nous avons eu plusieurs fois besoin de démarrer en urgence et tout était toujours prêt ( la devise des scouts : « Toujours prêts »;j’ai été cheftaine de guides de France!! et je terminais par « mais jamais là » pour rigoler!) Bisous à vous 2
Bonjour Michèle
Merci pour ce commentaire !
Finalement le nomadisme est un retour à l’essence humaine : il faut se tenir prêt à faire face à la nature. Ce n’est pas toujours très drôle, mais comme tu le dis, cela permet de fabriquer de beaux souvenirs !
Et merci pour ta petite anecdote 😉 C’est toujours sympa de lire les péripéties de mes lecteurs 😀
Une grosse bise à vous aussi !
effectivement weather 4d et arome sont extrêmement precis mais le vrai juge de paix a mon sens reste le NHC américain. olivier tisserand apporte une analyse pertinente complémentaire de celle du NHC. j’etais moi meme au marin la veille de l’arrivee de Beryl et j’ ai choisi de laisser le bateau sur place ( mon avion etait le samedi) j’ai fait le paris que beryl ne porterai pas a conséquence…mais c’est toujours un coups de dé…
C’est toujours un peu difficile comme décision. Cette fois ça a fonctionné !
Oui le NHC est LA référence et l’analyse d’Olivier Tisserand un très bon complément !